Un mooc sur le vélo : Unraveling the cycling city
J’ai profité du confinement pour suivre le mooc Unraveling the cycling city que je traduirais par Trouver la recette de la ville cyclable. Ce mooc est proposé par l’Urban Cycling Institut de l’Université d’Amsterdam. Si vous comprenez l’anglais (le mooc n’est pas encore traduit), je vous le recommande vivement car il offre une vision globale du vélo aux Pays-Bas, au travers d’articles de presse et d’articles universitaires. Il aborde également la pratique dans d’autres pays, mais à ce jour, il faut admettre que seuls les Pays-Bas ont une pratique massive du vélo généralisée à l’échelle d’un pays.
Nous qui en France sommes loin d’avoir atteint ce taux de pratique (3 % de part modale vélo contre 27 % aux Pays-Bas), pouvons penser qu’une fois que nous en serons là (si tant est que nous y parvenions un jour), ce sera gagné, que les militants vélo pourront aller vaquer à d’autres occupations… or ce que j’ai découvert grâce à ce cours, c’est qu’une pratique qui semble désormais si naturelle est à ce point évidente que la population n’y prête pas attention. Or ce qui n’est pas conscientisé peut se déliter, faute d’entretien. Visiblement certaines villes aux Pays-Bas ont vu leur pratique du vélo baisser, par manque de mobilisation pour prendre en charge le développement et le maintien d’une politique vélo. Je comprends alors que si l’un des enseignants, Marco te Brömmelstroet, propose un mooc tel que celui-ci et participe à la réalisation d’un film tel que Why we cycle - Pourquoi nous faisons du vélo, c’est comme pour tendre un miroir aux Néerlandais, pour qu’ils se voient tels qu’ils sont vus en dehors de leurs frontières, et dans l’espoir de ne pas voir disparaître ce que le monde entier vient admirer, étudier : un pays qui fait du vélo.
Contrairement à ce que beaucoup pensent, les Néerlandais n’ont pas toujours fait du vélo, et eux aussi ont eu leurs villes envahies de voitures (par la circulation et par le stationnement) dans les années 70. Et s’ils en sont arrivé à cette pratique du vélo, ce n’est pas parce qu’ils ont le vélo « dans les gênes » ou « dans leur culture ». Plusieurs facteurs ont contribué à faire de leur nation celle de la petite reine :
- crise du pétrole doublée d’un embargo entraînant des mesures drastiques prises par l’État : ils n’avaient plus l’autorisation d’utiliser leur voiture le dimanche. Cela a entraîné notamment : le fait de devoir trouver d’autres moyens de déplacement ainsi qu’une nouvelle facette de la ville qui se découvrait alors (sans bruit, sans insécurité routière, sans pollution). Pour rendre l’état d’une ville désirable, rien de tel que de faire expérimenter cet état (parce qu’en vrai, personne n’aime respirer les gaz d’échappement). En France plusieurs villes ont mis en place pendant quelques années les dimanche sans voiture, puis la pratique s’est perdue, Paris l’a remise au goût du jour. Paris a réussi par exemple avec l’opération Paris Plages, à donner aux parisiens l’idée que cette bande d’asphalte idéalement située en bord de Seine pourrait trouver un autre usage que celui de faire circuler des milliers de véhicules vrombissants. C’est cette opération réservée à la saison estivale, puis prolongée les dimanche, qui a permis de pérenniser un usage non motorisé de ces voies sur berge.
- une vie urbaine plus ancienne : quand dans les années 70 il a fallu adapter la ville à la voiture, les Néerlandais n’ont pas vraiment pris les choses comme les français. Ils avaient quelques siècles d’avance sur nous pour ce qui est d’habiter dans les villes, ils ont donc vécu les transformation de ces dernières en tant que résidents du cru. En France, l’arrivée massive de la voiture en ville s’est faite conjointement à l’exode rural. Les français qui arrivaient dans les villes n’avaient pas d’attachement particulier à ces dernières, ils venaient de la campagne, ils n’ont pas vécu de l’intérieur la transformation d’une ville conviviale en une ville déshummanisée. Ils ont pris la ville telle qu’elle était en cet instant, sans mesurer l’écart avec ce qu’elle avait été. Aux Pays-Bas, les citadins ont vu leur ville se métamorphoser sous leurs yeux, et ont mal accepté son changement de physionomie au profit de plus de circulation.
- une mobilisation des citoyens contre la mort des enfants dans les accidents de la route : avec le développement de la voiture, comme en France, les Néerlandais ont payé un lourd tribut en vies humaines. Mais avec le mouvement Stop de Kindermoord - Arrêtons le massacre des enfants ils ont obtenu des avancées en terme d’aménagements avec le concept de Woonerf – Rues résidentielles et de politique publique en faveur de la sécurisation des déplacements. Aujourd’hui dans leur « Code de la route », si un piéton ou un cycliste est accidenté, la responsabilité sera toujours portée sur le conducteur motorisé, car ils partent du principe que c’est celui qui peut blesser le plus qui doit faire le plus attention. (En France, depuis la loi Badinter, un piéton ou un cycliste accidenté voit ses frais d’hospitalisation pris en charge quelles que soient les conditions de l’accident, mais le conducteur de véhicule motorisé n’est pas pour autant considéré systématiquement responsable).
L’autre révélation inquiétante qui m’a frappée, après avoir découvert qu’une nation cycliste faisant référence pouvait cesser de l’être, c’est que la menace de l’obligation du port du casque n’épargne pas les Pays-Bas. Dans le cadre du cours, j’ai effectué des recherches complémentaires, et j’ai parcouru notamment le document
Door to door safety – Road Safety Strategic Plan 2030 – La sécurité porte à porte – Plan stratétique 2030 pour la sécurité routière.
Et là, dans un encart intitulé « Vision of the future : vulnerable road users protect themselves and others » « Vision du futur : les usagers de la route vulnérables se protègent eux-mêmes et protègent les autres. », dans le dernier point figure cette phrase « Wearing a helmet has become the norm, especially for children and senior citizens. » « Porter un casque est devenu la norme, en particulier pour les enfants et les aînés. » Alors bien sûr ce n’est qu’une phrase dans un document de 66 pages, mais elle souligne l’importance de renforcer la sécurité de toute part (qualité des infrastructures, ergonomie des vélos, formation des cyclistes à la pratique du vélo et des automobilistes à la cohabitation avec les cyclistes…) afin que nous ne devions pas en arriver à des mesures rendant le casque obligatoire. (En France il est désormais obligatoire pour les enfants de moins de 12 ans). Aux Pays-Bas ils en sont à un point où en 2016 30 % des morts sur la route étaient des cyclistes (189). Cette forte représentation des cyclistes dans les accidents de la route fatals s’explique d’une part par une pratique très importante du vélo (certaines villes atteignent même 60 % de part modale en centre ville) et aussi par une augmentation de la pratique par les séniors, qui grâce au vélo électrique l’utilisent jusqu’à un âge plus avancé et parcourent plus de kilomètres. Il faudrait donc la mettre en paralllèle avec l’espérance de vie gagnée par la pratique d’une activité physique prolongée, ainsi qu’avec les morts évitées liées à l’utilisation du vélo plutôt qu’à celle de la voiture.
Pour conclure, découvrez ce cours qui apporte des éclairages intéressants, notamment en terme d’aménagements, d’urbanisme. Et comme le soulignait l’un des participants, certaines vidéos, enregistrées dans la rue en des endroits stratégiques, ont un double intérêt : elles permettent à la fois d’écouter le discours des enseignants et à la fois d’observer le fonctionnement d’un aménagement puisque tandis que le cours est dit… on peut observer à loisir en arrière-plan, les nuées de cyclistes, interagissant avec les autres usagers de la rue.
Le cours se conclue par la rédaction d’un devoir de 800 mots. Le lien vous permettra d'accéder à celui que j'ai rédigé.
Le mooc : https://www.coursera.org/learn/unraveling-the-cycling-city